Catégories
Non classé

Nager sur la tête dans la mer d’Arabie

La côte du sultanat d’Oman, au sud du Golfe Persique, petit pays de 4 millions d’habitants, va accueillir un projet commercial français étonnant : la construction d’un ensemble portuaire de 250 hectares en partie financé par… une collectivité publique française, celle de Lorient.

Cette information étonne en laissant un mauvais arrière-goût de déjà-vu. Lorient, deuxième port de pêche français voit ses tonnages de poissons dégringoler sous la pression des quotas, disent les professionnels de la pêche. Ils reconnaissent du bout des lèvres que la raréfaction du poisson résulte de la surpêche. Partout en Europe, la ressource halieutique chute, inexorablement.

Mais bon, il faut être pragmatique dans les affaires, il n’y a plus de poisson sur les côtes européennes, allons voir où il est possible d’en trouver. Oman dispose de côtes poissonneuses, largement de quoi nourrir sa population. Pourquoi voir le mal partout ? Prélever 200 000 tonnes de poissons, une goutte d’eau dans un océan…

Alimenter la criée de Lorient de poissons venus en cargo-avion du port de Duqm semble un argument de poids pour les opposants à ce projet arrogant. Certes, comment ne pas penser au poissonnier d’Astérix, comment ne pas penser aux faux ongles commandés en Chine ? Aux médicaments, aux aiguilles à tricoter, au bel objet de déco en résine, à la batterie électrique, aux terres rares, aux pantoufles… qui arrivent en Occident comme un nuage de sauterelles au bilan carbone saturé sur un champ pollué.

La Chine, tiens parlons-en. Il y a une bonne dizaine d’années, les Chinois ont commencé à venir pêcher dans le golfe persique au grand dam, notamment des pêcheurs locaux iraniens. En 2018, une agence de presse des Émirats arabes unis a rapporté que près de 85 % des principales espèces de poissons du Golfe Persique ont vu leur population diminuer de manière significative, jusqu’à devenir rares.

Au cours de la dernière décennie, les chalutiers chinois seraient en train de vider les ressources halieutiques du Golfe Persique. Les bateaux chinois viennent en grande flottille raser les fonds marins avec des techniques désormais interdites en Europe. Aucun chiffre officiel, puisque les Chinois affirment qu’ils pêchent dans les eaux internationales. Ne reste que la persistante impression de déjà-vu. Des captures ne laissant pas les juvéniles s’échapper des filets, idem pour les tortues, les dauphins… Toujours le même massacre des ressources. Toujours la même course en avant.

La planète appelle à l’aide. Toujours plus d’humains à nourrir, toujours plus de faux ongles à envoyer à l’autre bout du monde. Les scientifiques évoquent le stress des « riches » occupés à consommer tout et n’importe quoi. Ces hordes sauvages à la carte bancaire autour du cou vont consommer bio, un chouia. En revanche ils sont vêtus de la tête au pied avec des tissus de pétrole travaillés sur des établis de misère par des générations de gosses. Alors, juste pendant deux secondes réalisons que nous pouvons faire une pause. Nous devons le faire. Pourquoi vouloir manger tel ou tel poisson standardisé ?. Pourquoi vouloir des chaussettes pas chères pour ensuite les jeter au bout de quelques lavages ? Pourquoi sommes nous aussi violents avec notre environnement ? Pourquoi cette morgue, cette impudence à vouloir soutenir des projets commerciaux fondamentalement déloyaux quant au respect de la planète et des personnes qui y vivent ?

Laissons ces mystères pour les réflexions des longues soirée d’hier et utilisons ce qui nous reste de bon sens à consommer mieux. A ce qui nous apparaît simplement juste. Dénoncer des hérésies ne fait pas le prophète mais au moins l‘hérétique n’est pas complice des crimes.

Pour aller plus loin : un reportage de France Info à écouter, et à lire : les articles du Point, de Reporterre, du Canard enchaîné, et aussi un excellent article de Bio Consommateurs avec des chiffres clés sur la pêche (et des liens pertinents)